De l'importance de l'humanité chez nos politiciens (texte publié dans la section libre opinion, Le Devoir, jeudi 28 mars 2024)
En 2018, la population du Québec a élu un gouvernement caquiste pragmatique et nettement tourné vers une croissance économique effrénée. Un gouvernement dirigé par quelques élus issus du monde des affaires et des sciences comptables. En 2022, la population a réélu ce même gouvernement.
Actuellement, nul ne peut ignorer les multiples problèmes subsistant au Québec. Nous ne pouvons ignorer les graves problèmes qui affligent le réseau de la santé et des services sociaux ainsi que le réseau de l'enseignement et nous ne pouvons ignorer les graves lacunes dans le secteur de l'habitation. Le tissu social s'effrite, sacrifié sur l'autel de la croissance économique sans bornes menée par une poignée de comptables et d'élus issus du monde des affaires.
Le gouvernement caquiste est pragmatique. Il le prouve quasi quotidiennement. Le 7 septembre dernier, le ministre responsable des Services sociaux "exhortait les élus à baisser le ton" alors qu'une élue municipale l'interpellait concernant l'inaction du gouvernement du Québec en matière d'itinérance. Il semblait alors qu'il était plus facile pour le ministre de s'en prendre à la messagère qu'au message.
Dernièrement, la ministre responsable de l'Habitation nous apprenait que la construction de refuges pour femmes violentées s'avérait trop onéreuse. Cette même ministre parlait alors de coûts par porte trop élevés. Alors que la ministre aurait dû constater des vies brisées, des drames humains et des coût sociaux importants, elle y a vu des portes. La ministre de l'Habitation ne voit-elle pas que devant chacune de ces portes, il y a de nombreuses femmes qui vivent des situations totalement inacceptables? Ne voit-elle pas que devant chacune de ces portes, se tiennent de nombreuses femmes qui ont besoin d'aide? Ne voit-elle pas que l'on doit parler de femmes violentées et non de portes?
La semaine dernière, le ministre de la Santé fut interpellé sur le fait qu'une femme, après avoir attendu plus de 17 heures à l'urgence du centre hospitalier de Lanaudière, est morte sans avoir reçu le moindre soin. Quelques personnes ont subi le même sort dans différents centre hospitaliers de la province ces dernières années. Le ministre de la Santé a alors répondu: "Ce genre d'erreur là arrive." Il a énoncé que ce décès était attribuable à un problème de triage et de prise en charge au centre hospitalier. Il a conclu en disant que ce décès "était très malheureux".
Je n'ai pas entendu le ministre de la Santé dire que cette situation est inacceptable. Je n'ai pas entendu le ministre de la Santé dire qu'il est tout à fait inacceptable qu'une personne se présentant aux urgences d'un centre hospitalier avec un anévrisme puisse décéder 17 heures plus tard, dans les toilettes dudit centre hospitalier, sans avoir reçu le moindre soin. Je n'ai pas entendu le ministre de la Santé s'excuser formellement auprès des proches de la victime pour l'échec du réseau de la santé à apporter des soins à cette femme.
Cette semaine, la ministre responsables des Aînés et ministre déléguée à la Santé annonçait qu'elle a mandaté un groupe de recherche afin "de comprendre les motifs des personnes ayant recours à l'aide médicale à mourir". La ministre n'est-elle pas consciente du phénomène de déshumanisation des soins dans le réseau de la santé et des services sociaux? N'est-elle pas consciente des difficultés d'accès aux services de première ligne? N'est-elle pas consciente des difficultés d'accès aux soins et services à domicile? N'est-elle pas consciente que la vision hospitalocentriste du réseau de la santé s'opère au détriment de la prévention?
J'œuvre depuis plusieurs années dans le milieu communautaire. Chaque semaine, je tente, tout comme des milliers de collègue, d'apporter un peu d'humanité dans les soins et services dispensés à la population. Une population bien souvent en situation de vulnérabilité passagère ou permanente. Je n'occupe pas un poste de gestion. Je suis un intervenant qui œuvre auprès d'êtres humains. Je me fais un point d'honneur d'insuffler de l'humanité dans les services que je prodigue. Ne serait-il pas souhaitable que nos dirigeants fassent preuve de la même humanité?
Steeve Duguay
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